Malgré de vrais durcissements dans les négociations entre élus et délégataires de services publics d'eau, les retours en régie ne sont pas nombreux.
Au coeur du débat, les fameuses provisions pour renouvellement des réseaux. Des chiffres allant de 1 à 5 milliards d'euros circulent. Beaucoup soupçonnent Suez et Veolia d'avoir pu se développer à l'international grâce « aux superprofits » réalisés en France. .
Pour eux, Bordeaux est un exemple. Le président PS de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB), Alain Rousset, a obtenu, en novembre dernier, de la Lyonnaise des eaux qu'elle augmente ses investissements tout en réduisant de 10 % ses tarifs sur les cinquante premiers mètres cubes d'eau. Interrogé, Bernard Guirkinger, président de la Lyonnaise et de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), s'agace de la manipulation des esprits. « Il n'y a pas pour Lyonnaise des eaux ni pour les autres distributeurs de provisions qui soient ensuite dilapidées aux quatre coins du monde ! Il faut en finir avec ce mythe, affirme-t-il. Il y a ce que l'on appelle des garanties annuelles qui sont faites pour lisser les investissements à venir. Cela doit éviter les à-coups tout au long du contrat », poursuit-il.
Et d'expliquer que, tous les cinq ans, les contrats passés avec les opérateurs privés sont renégociés. À cette occasion, les revenus prélevés et les dépenses réalisées sont remis à plat. Et les maires peuvent essayer d'obtenir des rabais. Cette démarche est devenue systématique, et, à chaque renégociation, les délégataires doivent concéder, en moyenne, des baisses de 5 % sur les tarifs.
Nous avons remis à plat nos revenus et nos investissements, et, au vu de la hausse des volumes d'eau vendus et des efforts de productivité réalisés, nous avons augmenté nos engagements d'investissements jusqu'à la fin du contrat ». Le président de la Lyonnaise estime même sain que le groupe ait pour objectif d'être encore plus efficace et vertueux dans ses opérations et qu'il réalise donc des bénéfices. À charge ensuite de partager ces marges entre concessionnaire et concédant. C'est de plus en plus souvent le cas. Marc Reneaume, directeur général adjoint de Veolia Eau, doit ainsi renégocier quelque 10 % de son chiffre d'affaires en France chaque année.
Peu de contrats vraiment remis en cause. Depuis 1995, la loi oblige les délégataires à fournir au maire le compte d'exploitation du contrat de sa ville, ainsi qu'un rapport exhaustif des travaux réalisés. Par ailleurs, les élus peuvent faire appel à des cabinets d'experts spécialisés. La rentabilité moyenne des contrats français a été divisée par deux : elle tourne désormais autour de 5 % contre près de 10 % il y a une quinzaine d'années. « Il n'y a pas beaucoup d'entreprises privées qui soient soumises à autant de contrôles que nous », indique ainsi Igor Semo, en charge des relations extérieures de la Lyonnaise (Suez). Mais les grands distributeurs d'eau restent philosophes. Chaque année, ils reconduisent entre 95 et 98 % de leurs contrats venus à échéance. Selon un rapport du cabinet d'études BIPE, entre 1998 et 2004, sur les 600 contrats mis en concurrence en moyenne chaque année, 96 % ont maintenu le même mode de gestion, 3 % sont passés de la régie municipale au privé et 1 % du privé à la régie. Il n'y a donc pas encore d'engouement massif de la part des maires pour la gestion publique du service de l'eau. Jean Ueberschlag, député UMP et maire de Saint-Louis (Haut-Rhin), président du syndicat d'eau potable de Saint-Louis-Huningue et environs, résume la situation : « Le service d'eau est un métier, et une mairie ne peut pas tout faire. La seule chose est qu'il faut rester très vigilant et très exigeant vis-à-vis de son délégataire ! " Antoine Grand d'Esnon, responsable de Service public 2000, estime, lui, que « les élus d'aujourd'hui veulent apparaître et montrer qu'ils contrôlent leurs services publics."