La défense du fret, celle du service public, de l'emploi et des salaires, le règlement du contentieux traction et même l'arrêt des procédures disciplinaires contre certains guichetiers indélicats, ce qui semble, en l'occurrence, quelque peu en contradiction non seulement avec la morale mais aussi avec la notion intrinsèque de défense du service public... S'ils avaient voulu illustrer les critiques contre la culture de grève « rituelle » et « préventive » de la maison et conforter ainsi l'analyse d'Anne-Marie Idrac, leur nouvelle présidente, selon laquelle le dialogue social à la SNCF relève de l'époque de la guerre froide et du mur de Berlin, les syndicats de cheminots ne s'y seraient pas pris autrement en mettant en avant des mots d'ordre « à la carte » à très fortes connotations politiques pour mobiliser leurs troupes et expliquer le mouvement national qui démarre ce soir.
Les intéressés eux-mêmes semblent d'ailleurs avoir eu du mal à s'entendre puisqu'il leur a fallu deux réunions très espacées pour arriver à trouver un consensus et s'accorder sur une date, et que deux organisations cheminotes sur six (deux autres préférant s'abstenir) ont préféré déposer des préavis séparés pour ces journées d'action. Pas étonnant qu'avec un menu aussi copieux que vague les négociateurs syndicaux puissent déplorer l'échec de la dernière réunion de conciliation avec la direction et s'étonner de n'avoir reçu que des « non-réponses » à l'ensemble de leurs revendications ! Donnant là encore du grain à moudre à leur nouvelle présidente, qui se plaignait récemment que les relations sociales dans l'entreprise soient « très bloquées » et « très frustrantes ».
Il semble, en fait, que la nomination à la direction de la SNCF de l'ancienne dirigeante de la RATP qui fut aussi secrétaire d'Etat aux Transports dans les deux gouvernements Juppé, entre 1995 et 1997, au moment des grandes grèves contre la réforme des régimes spéciaux de retraite ait été mal vécue par certaines fédérations syndicales. Qui veulent, aujourd'hui, établir un rapport de force alors que la société nationale, toute bénéficiaire qu'elle soit, a encore de gros dossiers à régler, notamment celui de sa division fret, qui s'éloigne dangereusement de la voie tracée par Bruxelles dans le cadre de son plan de sauvetage. Qui voient aussi d'un mauvais oeil le projet de la présidente d'établir de nouvelles règles en déplaçant au niveau local autant que faire se peut un certain nombre de négociations sociales. Ce qui écornerait leur toute-puissance.
Alors, si la mobilisation s'annonce massive, l'arme de la grève politique peut être à double tranchant. Le grand public se montre de moins en moins compréhensif avec ce type de mouvement et la direction de la SNCF, appuyée par le gouvernement, s'affiche de plus en plus intransigeante. En cette période préélectorale, les syndicats pourraient, en agissant ainsi, relancer le débat sur l'instauration d'un service minimum. A leurs risques et périls.
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