La région Ile de France et l'Etat ont engagé un bras de fer autour de la révision du schéma directeur de la région capitale, révélateur des divergences de fond qui les opposent sur le type de développement qu'ils souhaitent pour Paris et sa grande couronne.
Alors que ce document, fixant les grandes orientations du développement urbain et économique de l'Ile de France pour les 25 années à venir, faisait l'objet d'une démarche concertée entre l'Etat et la région, qui en discutaient les termes depuis 2004, l'élection de Nicolas Sarkozy a brutalement changé la donne.
Jeudi, le Premier ministre François Fillon a adressé une lettre au président PS du Conseil régional Jean-Paul Huchon pour lui demander de surseoir au lancement de l'enquête publique sur la révision du SDRIF (Schéma directeur de la région Ile-de-France).
Dans le même temps, M. Huchon signait l'arrêté lançant cette enquête publique, qui aura lieu du 15 octobre au 8 décembre auprès de 11 millions d'habitants, l'Etat n'ayant pas légalement la possibilité d'interrompre la procédure.
L'épreuve de force s'est engagée fin juin à Roissy, quand le chef de l'Etat a relancé l'idée d'un "Grand Paris" liant la capitale et sa banlieue et appelé à repenser "l'organisation des pouvoirs" dans la région "la plus grande et la plus stratégique" de France.
Pas question, ajoutait-il, d'adopter le nouveau SDRIF avant d'"être allé au bout de ces questions", car l'Etat ne peut se "priver d'avoir une projet et une stratégie" pour la région capitale.
Document d'urbanisme, puisqu'il a pour vocation d'organiser la maîtrise des espaces, qu'il s'agise de transports, d'espaces verts, d'équipements publics ou de développement des constructions à usage locatif ou industriel - le SDRIF ne porte pas uniquement sur le développement économique.
"C'est du jacobinisme excessif"
Ainsi, le document élaboré par la région prévoit-il la construction de 60 000 logements par an, la préservation des espaces naturels, le développement des transports avec la priorité donnée aux transports publics, ou le rééquilibrage entre l'ouest et l'est de la capitale.
Mais pour le nouveau pouvoir, ce projet n'est pas suffisamment ambitieux pour permettre à la région de tenir son rang dans la compétition que se livrent les grandes régions à l'échelle du monde. C'est ce qu'explique François Fillon dans sa lettre à Jean-Paul Huchon, indique-t-on dans l'entourage de ce dernier.
Les points de désaccord portent sur des dossiers emblématiques comme l'extension du pôle de La Défense, que la région conteste, le développement du site de Roissy et la liaison rapide CDG-Express, le projet de métrophérique, ou le site de Saclay.
A la région, on fait remarquer que ces projets figurent bien dans le SDRIF, mais "dans le cadre d'un projet d'ensemble". "Ces critiques ont une très forte charge politique, mais elles sont plus mises en scène que fondées et surtout, il n'y a pas d'élements sur un projet alternatif", dit un conseiller régional.
Pour Jean-Paul Huchon, cette "intrusion" du président de la République dans "un sujet dont il n'est pas en charge" marque la volonté d'une "reprise en main par l'Etat".
"De quel droit une assemblée qui a le pouvoir de décider sur cette question est contredite par l'Etat?", s'est-il interrogé lundi. "C'est du jacobinisme excessif".
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